Comme pour ses précédentes créations – Diktat (2017) et Dicklove (2021), le trouble sera le moteur du prochain spectacle de Sandrine Juglair. Le trouble du regard que posent les enfants sur le monde, mais aussi le décalage que ce regard peut apporter de surprenant, de comique et pourquoi pas d’exemplaire ! L’humour aussi sera encore au rendez-vous, pour tenter d’atteindre l’essence de nos constructions culturelles, celles qui nous éloignent de nos aspirations naturelles, pour mieux les déconstruire. Mais cette fois-ci, c’est au jeune public que Sandrine Juglair, accompagnée de Claire Dosso, clowne et comédienne, souhaite s’adresser.
Comment est né ce projet de duo avec Claire Dosso, une artiste que vous connaissez depuis longtemps ?
Sandrine Juglair : Je travaille depuis très longtemps avec Claire, comédienne, clown et regard extérieur sur mes projets DIKTAT et DICKLOVE. Nous souhaitions nous retrouver au plateau ensemble : nous nous posons toutes les deux des questions sur le jeune public, sur le besoin de changer d’adresse et de quitter l’entre-soi d’adultes cultivés, après quinze ans de créations. Nous voulons nous frotter à ce public qui vient parfois pour la première fois au spectacle. Très vite, une thématique commune est apparue : le bien-fondé des enjeux des codes et des règles que l’on enseigne aux enfants pour faire société, pour le vivre-ensemble. Ces règles, n’arrangent-elles pas uniquement les adultes ? Que perd-on comme libertés en imposant des normes ? Quel humour et dose d’absurde peut découler de ces règles ?
Comment allez-vous transposer ces questionnements au plateau ?
SJ : Nous venons toutes les deux du cirque. On questionne le rapport au corps, que nos sociétés occidentales contraignent : ne pas courir, ne pas sauter… et les émotions (crier, hurler, pleurer) : on nous apprend dès l’enfance à poser un couvercle dessus. Nous souhaitons questionner la désobéissance et la transgression que nous pratiquons à travers l’art du clown, renverser ces codes et faire le lien avec ceux du théâtre, où il faut s’asseoir dans une salle noire, ne plus parler, etc. Enfin, nous sommes attachées au duo, l’amitié, la relation entre l’apprenant et le sachant. Autre envie : aborder le langage, l’utilisation des bons mots pour se faire comprendre, et la façon dont les enfants les comprennent ou les réinventent en créant une certaine poésie, en donnant un nouveau sens.
Pour comprendre l’importance du corps chez l’enfant, vous allez vous immerger dans le quotidien d’une école…
SJ : Les enfants sont hyper performatifs, en constante évolution et avec des capacités multiples. Mais avec des corps maladroits et libres : cela nous fascine. Nous allons nous immerger une semaine en maternelle et en élémentaire, nous faire toutes petites pour les observer et vivre leur vie. Nous questionnerons enfants et enseignants sur les interdits, sur l’apprentissage. Pour la scénographie, nous imaginons quelque chose de très léger, avec l’utilisation probable de deux matières : le slime et des accessoires gonflables. Au son, Alexis recréera l’univers des cours de récré, et nous ferons peut-être participer le jeune public pour ajouter des sons en live. Nous n’en sommes qu’au début : à La Brèche, nous travaillerons à l’écriture de la pièce avec des improvisations au plateau.
GEULE
COPRODUCTION