La Brèche

Avec Biographies, vous repartez de votre numéro de jonglage présenté dans Les Fauves, la précédente création de EaEo. Que souhaitiez-vous ajouter que vous n’aviez pas dit ?
Neta Oren : J’avais envie de poursuivre la rencontre avec Pierre, le rappeur qui avait enregistré la bande-son de ce précédent spectacle. Et cette fois, je souhaitais l’inviter au plateau. L’idée du solo des Fauves est née pendant les confinements. Avec Éric Longequel, le metteur en scène, nous regardions en boucle le film d’escalade The Dawn Wall. Surtout le passage où, pendant une énième tentative d’ascension, l’un des grimpeurs décrit seconde par seconde tous ses gestes sans cesse répétés, et ce qu’il ressent physiquement. J’y ai vu des points communs avec le jonglage : figures réalisées des milliers de fois, corps qui répète des mantras sans que le cerveau n’intervienne, etc. J’ai voulu « traduire » ses propos en jonglage, mais en vain. Éric avait alors écrit un texte adapté à ma pratique.

C’est ce texte que le public écoutait avec des casques, dans les Fauves pendant Escapade d’hiver 2022. Quelle forme prend-il ici ?
NO : Ce texte est toujours présent dans la première partie de ce nouveau projet. Il décrit mes pensées, liées au jonglage que je suis en train de faire ou à mes préoccupations du quotidien. Le public est un peu dans ma tête et ça part dans tous les sens. C’est un marathon d’environ trente-cinq minutes pendant lequel je jongle non-stop jusqu’à la transe, accompagnée par le texte déclamé par Pierre, qui sera présent au plateau. Nous avons supprimé les casques et la boite dans laquelle je jonglais, pour évoluer dans un espace toujours restreint avec le public installé au plus près de nous, dans des gradins. Dans la seconde partie, Pierre parlera de lui, de sa pratique, de notre duo, de notre amitié et du temps qui passe entre la première et la dernière représentation d’un spectacle.

Finalement, ce sont vos deux « biographies » qui sont ici mises en scène… Comment s’est opérée l’écriture de ce spectacle ?
NO : L’écriture s’est faite à trois, et même à quatre avec Jérémy, le musicien complice de Pierre qui sera présent à chaque spectacle. Éric et Pierre écrivent des textes de rap, Pierre les teste à l’oral et je vois comment jongler dessus. Les allers-retours sont nombreux jusqu’à ce que le beat rythmique des mots et des figures de jonglage s’aligne parfaitement. Le spectacle est donc très écrit, même si Pierre pourra improviser un peu dans la deuxième partie, par exemple pour réagir avec le public. La création lumière va définir l’espace scénique et elle sera différente dans les deux parties : colorée dans la première, blanche dans la seconde. Nous travaillerons tous ces éléments lors de notre résidence à La Brèche, où nous disposerons pour la première fois de notre gradin.