Site Internet : https://www.cieparabole.com/
Note d’intention
Interfaces nous questionne sur la place de la technologie dans notre société, sur les limites entre réel et virtuel, sur la frontière entre libre arbitre et asservissement, et nous invite à découvrir une force émancipatrice et poétique qui prend vie grâce au numérique, par le biais du jonglage.
Jouer avec le poids des balles, leur chute sur la piste, avec une passe ratée ou un déséquilibre provoqué. Le vocabulaire du jonglage se lie aux expérimentations informatiques et au processus technologique, offrant au spectateur un univers synesthésique* qui le sollicite par le croisement des expériences sensorielles ; mettant en scène un travail sur la lumière, l’image et le son, sur la recomposition spatio-temporelle d’un jonglage voulu virtuose et qui repousse les frontières de la perception.
Les principes fondamentaux de la jonglerie seront eux aussi remis en question : l’équilibre du jongleur en appui sur ses deux pieds, l’éclairage qui provoque l’éblouissement, la dramaturgie de la chute, le caractère réel ou abstrait des objets manipulés. Les objets rendus autonomes seront à l’origine d’une redéfinition complète du jeu de scène, brouillant les frontières entre manipulateur et manipulés.
La place de l’artiste devient l’enjeu majeur. Sa présence, au centre du dispositif, crée le lien avec le spectateur et rend pertinente l’utilisation des outils numériques. Des dispositifs conçus pour rendre compte du dialogue latent qui se noue entre le jongleur et ses objets. Un dialogue dans lequel les objets prennent vie et nous entrainent dans un univers qui nous fascine autant qu’il nous émerveille.
Interfaces se réclame ouvertement d’une double approche, artistique et technologique, qui répond précisément à la réflexion intime que nous souhaitons développer : quelle influence devons-nous laisser au numérique dans notre société moderne ? Il s’agit de nous réapproprier cet outil afin d’en extraire des procédés créatifs et producteurs de sens, de révéler cet espace de convergence, qui crée le lien entre différents univers, entre différents réseaux, un entrelacs de mondes qui permettent et initient le mouvement : les Interfaces.
Entretien
Comment va s’orienter dans Interfaces votre travail de recherche entre arts numériques et jonglerie déjà fort développé dans votre précédente création Échos, Reflets, Nuances ?
Sylvain Garnavault : Il y a effectivement entre mon précédent projet et celui-ci une continuité des esthétiques qui se traduit par une forte présence des outils numériques. Leur influence en terme d’écriture de spectacle est très importante et découle sur un univers graphique très minimaliste mais qui laisse place à la performance, au corps. Le numérique ne doit pas supplanter le vivant ; il s’agit au contraire de construire un dialogue entre les deux mondes. Si les outils manipulés dans Échos, Reflets, Nuances et Interfaces sont les mêmes, ils servent un propos différent : dans le premier projet, j’ai travaillé les notions d’écran, d’image de soi ; dans Interfaces, il sera éminemment question de communication avec d’autres personnes, d’autres systèmes intelligents. J’interroge l’interaction entre soi et le monde.
D’où vous vient cette appétence pour les outils numériques ?
SG : Avant de devenir jongleur, j’ai suivi une formation orientée vers les sciences informatiques. J’ai pendant de longues années baigné dans l’univers des ordinateurs, des logiciels,… J’étais, et suis toujours, ce qu’on appelle aujourd’hui un vrai geek ! Plus tard, quand j’ai commencé à m’intéresser à la jonglerie, c’est tout naturellement que je me suis tourné vers les programmes informatiques. C’est grâce à un logiciel, et bien sûr à un nombre incalculable d’heures de pratique, que j’ai appris à jongler ! Telle a été mon approche avant même de rencontrer de vrais jongleurs tels que Sean Gandini des Gandini Juggling ou Denis Paumier de la Cie Les Objets volants qui ont une approche très mathématique de la discipline.
Pouvez-vous nous en dire plus sur ces fameux outils numériques qui vont être mis en œuvre dans votre prochaine création ?
SG : Dans Interfaces, j’utilise le numérique de deux manières : soit en détournant des technologies déjà existantes, soit en inventant des objets. Par exemple, j’ai créé des balles qui, lorsqu’elles sont jonglées, renvoient des informations sur leur position, leur vitesse, leur mouvement, leur relation avec les autres balles,… autant d’informations que l’on traite pour créer de la matière visuelle (vidéos, graphismes,…) ou auditive (musiques, bruits,…). Pour résumer, on recueille des données numériques à partir du parcours des balles. Concrètement, je peux faire en sorte qu’un signal soit déclenché à l’instant même où une balle atteint sa hauteur maximum. Par signal, j’entends une note de musique, une lumière,… Le but est de donner la parole aux objets, de leur donner la capacité de nous répondre.
Soutien : Conseil Régional de BASSE-NORMANDIE, la Brèche – Pôle National des Arts du Cirque de CHERBOURG-OCTEVILLE, la Fondation Mécènes Caen-Normandie de CAEN, l’ESIX et de le département GEII de l’I.U.T. de CHERBOURG-OCTEVILLE, la Maison des Jonglages – LA COURNEUVE, la Festival Jonglissimo – REIMS, Relais d’sciences – C.C.S.T.I. de BASSE-NORMANDIE, les Ateliers Intermédiaires – CAEN et la Mezz – PIERRE-BENITE