La Brèche

octobre 2019 / ITV réalisée par Emmanuelle Lemesle pour La Brèche

Votre résidence à La Brèche concerne un spectacle plus personnel que les précédents. Pourquoi le thème des barrières vous tient-il à cœur ?

Wilmer Marquez : Il me parle depuis toujours. Je suis moi-même le fruit d’une fracture sociale. Je m’interroge souvent sur la manière de me surpasser, mais aussi sur la chance que j’ai de pouvoir le faire. Ce thème me rappelle mes origines. Régulièrement, je jette un oeil dans le rétroviseur pour voir le cheminement personnel et professionnel parcouru. Barrières, c’est en quelque sorte un hommage à ce vécu et à la manière dont j’ai franchi les étapes de ce parcours. J’ai envie de défendre l’idée qu’il ne faut pas s’arrêter au premier obstacle. Les contraintes peuvent être des freins mais aussi offrir de nouvelles voies. Je les considère personnellement comme un moteur. L’idée de ce spectacle est née aussi d’une autre envie, celle de réunir des personnes rencontrées pendant ma carrière et avec lesquelles je n’avais pas encore pu travailler.

Longtemps habitué au duo acrobatique avec Edward Aleman, vous passez ici en effet à un collectif de dix artistes au plateau. Vous explorez un nouveau chemin ?

WM : Dans SOMOS déjà, nous étions six au plateau et cela ouvrait sur de belles pistes de travail. En tant qu’artiste de cirque et adorant (presque trop) la technique, j’avais envie de poursuivre ce travail physique avec d’autres acrobates, notamment des femmes, totalement absentes de SOMOS puisque le spectacle racontait notre histoire de jeunes Colombiens venus étudier et travailler en Europe. Le point de départ de Barrières n’est pas tant une narration que la personnalité des acrobates présents au plateau. Le thème de la barrière se traduira, en terme scénographique, par un grand grillage qui occupera tout le plateau. Ce grillage constitue une contrainte à démystifier, voire à rendre belle.

Parmi les univers artistiques conviés dans le processus de création, il y a celui de la chanteuse Lhasa. Pourquoi ce choix musical ?

WM : J’aime les musiques qui me font voyager. Celle de Lhasa en fait partie. J’ai choisi de m’entourer de son univers musical aussi parce que je trouve qu’il correspond à la thématique. Dans Barrières j’évoque la mixité et les mélanges, or Lhasa, mexico-américaine, relève de trois langues et trois cultures. En plus, comme moi, elle est venue vivre en France. Elle a sorti trois albums reflétant son parcours et j’ai voulu intégrer cette matière au spectacle. Il y a un autre élément que je souhaite questionner dans Barrières : le vieillissement des artistes de cirque. L’équipe est d’ailleurs choisie dans ce sens-là puisque tous ont trente ou quarante ans. C’était le bon moment de créer un spectacle ensemble et d’interroger nos différentes évolutions physiques même si, j’en suis persuadé, le cirque est un métier comme un autre.