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David Bobée a étudié les arts du spectacle à l’Université de Caen et créé sa compagnie, Rictus, en 1999. Parmi sa prolifique création, rappelons Nos enfants nous font peur quand on les croise dans la rue (avant-première en janvier 2009 à la Brèche), Cannibales (saison 2008-2009 du Trident, Scène nationale de Cherbourg-Octeville) et This is the end (festival SPRING 2012). Depuis septembre 2013, David Bobée dirige le Centre dramatique national de Haute-Normandie.
Note d’intention
Je rêve d’un spectacle pauvre, brut avec les corps d’un groupe de onze artistes.
Les corps de certains acrobates portent en eux un conflit interne, à l’image de votre pays, pour le peu que j’en connais pour le moment. Une tension dans des corps qui sortent de la rue et qui trouvent dans le cirque un moyen de s’arracher à la violence. Une violence faite au corps pour résister à la violence extérieure. Un moyen de résister par la beauté. D’offrir son corps aux coups afin d’être plus fort. Je rêve de quelque chose de brutal. Une force vitale et brute qui m’a très impressionné chez vous.
Et aussi une chose très belle : une sorte de schizophrénie dans les corps toujours, vos corps à tous, dans leur diversité, racontent déjà votre histoire.
Sur vos peaux, sur vos traits se jouent des tragédies, l’histoire de votre pays, sa violence est inscrite dans vos corps, dans vos gènes. C’est pour moi terrifiant et magnifique.
Entretien avec David Bobée
Au début de Dios Proveerà, l’un de vos prochains projets de création, il y a la rencontre avec Edward Aleman et Wilmer Marquez…
Oui, j’ai rencontré Edward et Wilmer au Centre national des arts du cirque. Je mettais en scène le spectacle de fin d’études de la 23ème promotion, This is the end ; eux étaient étudiants de la promotion précédente. Ils m’ont tapé dans l’œil car ce sont des virtuoses. Je leur ai proposé de rejoindre l’équipe artistique de Roméo et Juliette créé en 2012 et de reprendre les rôles d’Alexandre Fray et Frédéric Arsenault dans Warm créé en 2008 ; eux m’ont demandé d’être le regard extérieur de leur création Quien Soy ?. Ensuite, ils se sont démenés pour que je vienne animer un workshop à La Gata, un petit lieu-école à Bogota en Colombie qui cherche à développer le cirque contemporain. J’ai eu le coup de cœur pour la Colombie. C’est de cette rencontre avec ce pays, cette ville, ce lieu, ces artistes qu’est née l’envie de Dios Proveerà et ma très belle rencontre avec Jean-Luc Larguier lui en a donné le cadre de réalisation.
Dios Proveerà met en scène des personnes en lutte, en résistance. Ne serait-ce pas là ce qui traverse chacune de vos créations ?
J’ai l’impression de remonter à chaque fois le même spectacle. Qu’il s’agisse de Roméo et Juliette, This is the end, Metamorphosis, Nos enfants nous font peur quand on les croise dans la rue, et bien d’autres créations encore, elles sont toutes différentes dans la forme mais sur le fond, je mets en lumière un individu ou groupe d’individus qui lutte pour une place, une intention. Pour Dios Proveerà, le point de départ, c’est les acrobates, leurs corps et comment la violence contextuelle se raconte à travers ces corps. Le rapport à la violence de ces artistes colombiens se retrouve à l’endroit même de leurs gênes. J’ai envie de chorégraphier ces corps en lutte, ces corps de résistance. J’ai en face de moi un groupe d’artistes fabuleux ; j’ai envie de les montrer là où ils sont admirables.
De quelle manière justement avez-vous envie de nous les mettre en scène ?
Je pense à une chorégraphie de l’émeute, sous forme de portraits. Le spectacle est un outil pour mettre en dialogue les individus les uns avec les autres, artistes et spectateurs. Je souhaite construire un spectacle à partir des personnes présentes sur le plateau. La dramaturgie s’inventera au fur et à mesure des répétitions. À moi d’être à l’écoute de ce que le plateau, les corps et les personnes expriment et de montrer les onze artistes de cirque dans ce qu’ils sont, dans leurs choix, leurs origines. Pour la scénographie, j’ai envie de quelque chose de brut, de violent, de matériaux froids, durs, cassants, coupants, au reflet de la société colombienne et de la guerre intérieure qui ronge le pays. Pas de texte mais de la musique baroque jouée par un ensemble dirigé par Sébastien d’Herin. Le répertoire baroque d’Amérique latine créera un contraste avec les corps acrobatiques et faire dialoguer sublime et brutalité, culture savante et culture populaire, art de chambre et art de rue, sacré et profane.
Production : Centre dramatique national de Haute-Normandie et Interarts Lausanne
Coproduction : La Brèche, Pôle national des arts du cirque de Basse-Normandie / Cherbourg-Octeville ; Le Festival Automne en Normandie ; Les Théâtres de la Ville de Luxembourg ; Théâtre de Caen
Avec le soutien de : Musée du Quai Branly, Paris ; Maison des arts de Créteil ; Institut français
Avec en Colombie : La Gata Cirko, Bogota ; Le Ministère de la Culture ; Le Festival Ibericoamericano de Bogota ; L’Institut français de Colombie