C’est en suivant Fabrice Champion – trapéziste des Arts Sauts devenu tétraplégique en 2004 et décédé en 2011 – pour le film « Parade », qu’Olivier Meyrou rencontre Matias Pilet et Alexandre Fournier, étudiants à l’École Nationale des Arts du Cirque de Rosny-sous-Bois – ENACR. Commence alors le début d’une longue aventure entre les trois compères qui donne naissance à deux spectacles, Nos limites et Acrobates (SPRING 2014).
Note d’intention
Les fictions naissent parfois de la réalité. Bien qu’inspiré du réel, bien que construit avec des fragments du réel, «Tu » est une fiction.
L’histoire est née d’un long travail documentaire accompli avec Matias Pilet, et ses parents, Erika Bustamante et Xavier Pilet, en France et au Chili. En plongeant avec eux dans leurs souvenirs, après des heures d’enregistrements sonores d’abord et d’images ensuite, une histoire a émergée. « Tu » est né d’une intimité douloureuse, une histoire personnelle qui a le potentiel pour devenir un récit universel. Presque un mythe.
Entretien avec Olivier Meyrou
L’aventure se poursuit avec la création de TU avec Matias Pilet…
Acrobates n’était pas encore créé que nous avions déjà commencé à réfléchir à TU. À cette époque, Matias – qui n’avait que 22 ans – avait évidemment du mal à sortir de sa réserve. Pendant une répétition de J’PEUX PLUS, un solo acrobatiquement très intense qu’on n’arrivait pas à trouver avec Stéphane Ricordel, il y a eu un déclic. Quelque chose de très fort a jailli sur le plateau. Sa façon de bouger, son rythme s’étaient métamorphosés. À la fin de cette séance marquante, il m’a parlé de sa sœur jumelle qui était morte dans le ventre de leur mère. Cette tragédie prénatale semblait avoir pris le contrôle de son acrobatie. C’est là qu’est venue l’idée d’explorer l’idée qu’une naissance ne suffit pas et qu’il faut pouvoir renaître. TU, c’est ça : l’histoire d’un homme sauvé par son corps et qui va renaître devant nous.
TU est un solo mais vous parlez également de duos immatériels…
Oui, même si Matias est seul au plateau, ce qui est l’essence de cette histoire, son solo sera habité par des présences féminines. Je vois plus le spectacle comme une succession de duos, parfois immatériels, avec des personnages filmés, sortes de fantômes. Il y a Erika d’abord, la mère de Matias, que nous avons filmée au Chili il y a un an. Ensuite, j’ai pensé à Françoise Gillard, que j’avais rencontrée lorsque je préparais un film sur la Comédie Française, et avec qui nous avons déjà exploré cette année la mémoire fœtale avec en filigrane le rapport à la femme pour Matias et à la maternité pour Françoise. Enfin, cet été nous sommes repartis au Chili pour rencontrer Karen Wenvl, une chanteuse mapuche, et explorer rythmiquement le lien de Matias à sa culture originelle. Le but est de créer une transe, une danse de vie. Au départ, TU devait parler d’amour ; de fil en aiguille, on se dirige plus vers les fantômes, le lien avec la nature et la vie… C’est un espace très personnel, presque documentaire, mais qui touche à l’universel.
POUR ALLER PLUS LOIN
« Parade », film documentaire d’Olivier Meyrou sur Fabrice Champion, artiste des Arts Sauts
Coproduction (en cours) : Le Montfort, Paris ; Les Subsistances, Laboratoire international de création artistique – Lyon ; La Brèche, Pôle national des arts du cirque de Basse-Normandie / Cherbourg-Octeville