La Brèche

Le CNAC vous a confié la mise en scène du spectacle de fin d’année de sa 32e promotion. Quel sujet comptez-vous aborder avec les 15 jeunes du groupe ?
Raphaëlle Boitel : Quand je réponds à des commandes, j’aime partir de la personnalité des interprètes. Ici, je ne les connais pas encore. Nous nous sommes rencontrés succinctement en mars…juste avant le confinement. Avec eux, je compte évoquer les questions de l’équilibre entre les choses et les personnes, mais aussi la fragilité de ces équilibres. Quand je regarde les thèmes déjà abordés par ma compagnie, je constate la récurrence de thématiques, d’obsessions. L’importance des équilibres en fait partie. Je me suis donc intéressée à l’effet papillon et à ces histoires de petites choses qui, de fil en aiguille, peuvent tout changer. J’y songeais avant la crise mais ce « petit » virus invisible qui bouleverse la planète entière en est un bon exemple.

Équilibre et déséquilibre sont deux paramètres omniprésents dans le cirque…
RB : Oui, tout comme les notions de grande hauteur, de vide, de solidarité entre acrobates.   L’actualité renforce les valeurs de connexion entre les gens, de lutte contre l’individualisation extrême, d’entraide. Là aussi, le geste d’un individu qui n’est pas dans l’écoute de l’autre peut perturber tous ceux qui l’entourent et altérer les équilibres. Ce thème est une métaphore de la vie. C’est donc ce que les 15 jeunes iront chercher - symboliquement mais aussi physiquement – dans les exercices d’improvisation que je leur soumettrai. Nous verrons ensemble ce qui en découle. Je suis pour ma part très heureuse de travailler cela avec tout un groupe : c’est rare, dans une compagnie, d’avoir autant d’artistes. C’est à la fois une excitation et un challenge…

Surtout que cette promotion regroupe 15 jeunes, 7 nationalités et 13 disciplines…
RB : En effet, je n’ai pas choisi leurs agrès. C’est croustillant ! À moi de trouver une cohérence globale, malgré des disciplines différentes que, pour certaines, je n’ai d’ailleurs jamais pratiquées ni mises en scène. En général, je n’aime pas proposer des numéros mais ici, chacun doit tout de même avoir son moment, d’où des concessions à faire. Le format de création est également différent : là où je crée un spectacle parfois sur deux ans avec des pauses, je dois l’écrire ici sur onze semaines d’affilée…J’espère pouvoir leur apporter une belle première expérience professionnelle avec les contraintes qui me sont propres, comme travailler dès le début de l’écriture avec la lumière. De mon côté j’aime tenter de nouvelles expériences: cette commande tombe donc au bon moment !

ITV réalisée par Emmanuelle Lemesle pour La Brèche en août 2020