La Brèche

Vos dernières créations sont des formes sans textes, à destination du jeune public. Casse-tête s’inscrit-elle dans cette lignée ?
Stéphane Fortin : Oui. Et ce spectacle, qui fait suite à Jongle, convie d’ailleurs quatre des  jongleurs qui l’ont successivement interprété depuis sa création en 2013. Il n’est pas prévu, à l’heure actuelle,  qu’ils parlent. En revanche, je ne m’interdis pas quelques onomatopées, un peu comme dans l’univers de Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff. Je ne dirige pas les interprètes comme des jongleurs  - ce sera la mission de Denis Paumier, directeur artistique de la compagnie Les Objets volants – mais plutôt comme des comédiens sachant jongler.  À l’image de mes précédents spectacles, Casse-tête s’intéresse au corps et à l’espace. Dans Jongle, le jonglage s’inscrivait dans une scénographie mobile. Je garde ici ce principe, mais je profite qu’il y ait quatre interprètes, et non plus deux, pour aller encore plus loin dans l’exploration de ce rapport entre corps et espace. Ils évoluent dans un dispositif en rapport avec le casse-tête, devant comprendre, résoudre des problèmes.

Justement, de quel « casse-tête » traite la dramaturgie ?
SF : De la rencontre avec l’autre. Les personnages se rencontrent soit volontairement, de façon dynamique, soit de manière hasardeuse. Il me faut mettre cela en lien avec la circulation des balles, et avec par exemple « des accidents jonglés ». Quelle émotion déclenche une balle qui s’échappe et ne se dirige pas vers l’endroit prévu ? La scénographie permet des choses et parfois, les contraint en en transformant leurs parcours habituels. En modifiant son chemin, un personnage en rencontre d’autres. Dès l’âge de six ans, le spectateur peut s’identifier aux personnages. Aux interprètes ensuite de colorer ce parcours d’un jeu clownesque. Le public reconnaît la situation de blocage avant qu’elle ne soit résolue. D’autant plus que l’espace est petit ; les personnages y sont en huis-clos, peut-être comme sur un radeau.

Le son et la lumière revêtiront une grande importance. Pouvez-vous nous en parler ?
SF : J’y prête toujours une grande attention. Cela accompagne l’histoire. Pour le son, je travaille avec Emmanuel Six depuis plusieurs spectacles. Il vient chaque fois transcender l’idée poétique et créer un univers qui pousse les murs. En association avec la lumière, cela permet de créer d’autres espaces. Obstruée ou à découvert, elle les transforme, simplement, de manière ludique, sans qu’un projecteur ne s’éteigne forcément, ici ou là. Les balles elles-mêmes pourront venir jouer avec la lumière. Nous la travaillerons à l’Espace culturel des Pieux, ainsi que tout le travail avec le prototype du dispositif scénique, qui a pris du retard à cause de la crise sanitaire. Nous pourrons alors construire des séquences de jonglage. Nous enchaînerons ensuite sur une résidence aux Fours à Chaux de Regnéville.

ITV réalisée par Emmanuelle Lemesle pour La Brèche en juin 2020