La Brèche

Comment vous est venue l’idée de vous intéresser au roller derby ?
Valia Beauvieux : Jeune, je pratiquais énormément le roller mais jusqu’ici, je n’avais jamais fait le lien entre le roller et ma pratique du cirque. Or je pense qu’il y a un grand potentiel avec cette discipline, peu représentée dans le cirque, et pas du tout dans les écoles. C’est l’essence de mon travail, depuis une dizaine d’années, que de travailler avec des disciplines spécifiques, comme la danse-acrobatie ou le mât chinois, d’en modifier les pratiques et la vision, et de les mettre au service d’un propos. En rencontrant des derbistes, j’ai rencontré une force de vie proche de celle des circassien·ne·s, avec l’envie de tout donner pour sa passion, d’y mettre des moyens et d’être prêt·e·s à tout quitter pour elle. Ici la notion de collectif – avoir besoin des autres pour fonctionner – est capitale.

Les équipes de roller derby sont essentiellement féminines. Quelle vision allez-vous en donner, en tant qu’homme ?
VB : Cela fait des années que l’on me parle de parité et d’inégalité, et que l’on questionne notre fonctionnement en société. Et la mer s’est mise à brûler, mon premier spectacle, parlait de fraternité et d’écueil de la virilité. Cette fois, on a eu envie d’explorer la sororité et l’empowerment (émancipation, responsabilisation), la célébration de tous les corps. Dans le roller derby, je vois du sport, bien sûr, mais aussi de l’associatif en pleine puissance, et des gens de différents milieux qui se rencontrent et se mélangent. Là, sur la piste, tu peux te redéfinir, qui que tu sois. Et cela est précieux. Or, bizarrement, le roller derby est malgré tout très méconnu :  c’est précisément parce qu’il ne cherche pas à briller et qu’il défend une certaine inclusivité.

Comment avez-vous procédé, avec Emmanuelle Hiron – co-metteuse en scène et dramaturge, au recrutement des interprètes ?
VB : Comédienne et ex-pratiquante de roller derby, Emmanuelle Hiron sait qu’on s’y choisit sans esprit de hiérarchie. Ici, pas d’auditions, donc, mais un appel à la rencontre via les réseaux sociaux. Seuls critères importants : pratiquer le roller quad à haut niveau, et avoir une expérience de la scène. Nous avons retenu sept des quarante personnes rencontrées. Les profils sont variés : contorsionniste, slalomeuse, roller danseuse, derbistes et toutes interprètes en cirque, danse, théâtre… Il y a aussi deux techniciennes qui viennent du roller-derby : une à la création sonore et l’autre à la régie plateau. Le spectacle ne sera en aucun cas un match mais bien une immersion dans l’univers du roller derby. Et lors de notre résidence à La Brèche, nous rencontrerons bien sûr l’équipe locale des Cherboobs !