Site Internet : https://cieunlisted.ch/
En mai 2021, à peine réouverte de la sortie de crise sanitaire, le public de La Brèche faisait la rencontre du Suisse Julian Vogel, artiste de cirque et plasticien, avec son projet autour de la création de diabolos en céramique, China Series. Depuis, Julian Vogel a fait de la manipulation d’objets en céramique la spécificité de son processus créatif. Dans Ceramic Circus, il poursuit sa recherche artisanale et solitaire autour de cette matière – à la fois résistante et fragile, en jouant avec certains codes du cirque traditionnel : un numéro d’assiettes chinoises, de vélo désarticulé, des roulements de tambour…
Qu’est-ce qui vous fascine dans ce matériau, la céramique ?
Julian Vogel : Dans China Series, j’avais en effet fabriqué mon diabolo en céramique. Je me suis penché sur cette matière, et sur ce qu’elle implique : la cassure, et plus largement sur l’objet du jongleur, fragile, qui se casse. Cela induit la question de savoir ce qui se passe ensuite, la question du risque, de la tension. J’ai eu envie de travailler avec d’autres éléments comme le roulement de tambour, qui lui aussi implique une certaine tension, un vélo qui tourne dans le mauvais sens, des rollers, des assiettes chinoises. Ce sont des agrès du cirque traditionnel, que je souhaite transformer en jouant sur la durée des choses, comme par exemple un roulement de tambour qui s’étire sur cinq minutes. Le son finit par se transformer, on entend différemment et on découvre des détails.
Le rapport au temps semble important dans votre démarche ?
JV : Oui, pour moi, le rapport au temps est clairement lié à la construction du spectacle. Le ressenti du spectateur sur la durée d’une séquence, ou d’une pièce, est différent de l’un à l’autre. Nous, metteurs en scène ou artistes du spectacle vivant, avons la possibilité d’étirer et pousser cette notion. Je m’intéresse d’ailleurs à la théorie, nouvelle, du physicien et philosophe italien Carlo Rovelli selon laquelle le temps n’est pas fluide avec un début et une fin, mais plutôt formé d’une suite de particules qui passent, sans qu’il y ait de différence entre présent, passé et futur. Et ce qui m’intéresse ici, c’est le concept d’oubli. Je reprends l’exemple du roulement de tambour : on oublie qu’on a attendu quelque chose. Tout cela constitue un jeu agréable, un joyeux stress.
Le fil rouge de Ceramic Circus, c’est la rupture. Comment l’abordez-vous ?
JV : La rupture est doublement présente. Il y a celle des objets qui se brisent, et la rupture dramaturgique. Le jongleur se demande ce qu’il doit faire après, face à ce nouvel espace qui s’ouvre à lui. Et puis la rupture, inhérente depuis toujours au cirque, tout comme le risque et la tension, constitue aussi une métaphore de notre fragilité, et de la fragilité de mon propre corps face à la performance. Je l’aborde d’autant plus sérieusement que j’accorde de la valeur aux pièces de céramique que je crée. Mais dans ce solo d’une heure, l’humour s’invite aussi, notamment dans les détails : les objets engendrent parfois de la musique – comme la mélodie d’un pédalier de vélo, le rythme d’une pendule, la ritournelle d’une manivelle -, de la poésie, des situations à la Tati et des sourires.
PRODUCTION
Cie Unlisted / Julian Vogel
COPRODUCTION
Les SUBS ; Le Plus Petit Cirque du Monde ; Théâtre d‘Arles ; Panama pictures
PARTENAIRES ET SOUTIENS
Le Spot Sion ; Plateforme 2 Pôles Cirque en Normandie / La Brèche à Cherbourg et le Cirque-Théâtre d’Elbeuf ; Arts Printing House Vilnius ; Le Théâtre Silvia Monfort, Pro Helvetia – Schweizer Kulturstiftung ; Kulturfonds, Société Suisse des Auteurs (SSA) ; Aargauer Kuratorium