La Brèche

L’Esthétique de l’ours est un projet hybride mêlant tous les genres, du tragique au comique,… et vos trois personnalités bien distinctes.
Carlo Cerato, Ramiro Erburu, Léon Volet : Nous nous connaissons depuis l’école de cirque de Turin puis le Centre National des Arts du Cirque pour deux d’entre nous. Depuis longtemps nous sentions que nous pouvions nous compléter dans une oeuvre créative. Nos façons de travailler et d’être sur scène sont très différentes. Méthodologiquement, nous travaillons de plusieurs manières : improvisation, écriture sur table, visionnage de vidéos… En revanche, pour ce qui est de faire émerger différents genres aux scènes créées, nous avons retenu une seule et même méthode, celle « l’improvisationnisme » : des facteurs extérieurs vont venir perturber une situation initiale, lui conférant ainsi un genre différent de celui imaginé au départ, allant du dramatique au stupide par exemple.

Vous vous laissez donc surprendre au plateau, mais tout est finalement très écrit…
CC, RE, LV : C’est en effet très millimétré. Il y a une contradiction entre ce qui est donné à voir au spectateur, qui est très explosé, éparpillé, et notre écriture, très précise. Nous sommes obligés d’en passer par une écriture très ciselée pour parer à l’imprévu, inhérent au cirque. Notre écriture est constituée d’allers-retours entre le droit et le biscornu. L’idée de ce spectacle nous est venue après avoir regardé la vidéo d’un spectacle de cirque traditionnel russe dans lequel deux ours font les clowns, des sauts arrière à la bascule, etc. En visionnant ce spectacle, nous sommes passés par toute une palette d’émotions contradictoires : la surprise, l’horreur, la joie, la mélancolie. Nous voulions en garder quelque chose. Il se trouve que Ramiro travaille avec un masque d’ours et, lors de précédentes résidences, nous avons commencé à écrire un texte pour lui. Mais pour l’instant l’ours n’est pas le sujet du spectacle.

Vous êtes très attachés à chercher des formes nouvelles en ce qui concerne vos agrès que sont le mât chinois, le jonglage et la suspension capillaire. Parlez-nous de cet aspect de l’écriture.
CC, RE, LV : Nous serons toujours tous les trois au plateau, mais ne mélangerons pas pour autant systématiquement nos trois disciplines. Nous nous basons sur le principe du « générativisme « , à savoir l’incorporation à la mise en scène d’éléments inédits. Selon nous, le cirque est le fait de deux écritures : la circographie*, néologisme de Maroussia Diaz Verbèke, et l’écriture de fragments d’un spectacle. On retrouve là encore la notion d’hybridation, qui nous est chère. Il faut ajouter à cela que nous aimons avoir tout sur scène et tout manipuler à vue. La bande sonore, par exemple, sera complètement gérée par nous en direct du plateau.

*écriture ou mise en scène spécifique d’un spectacle de cirque