La Brèche

Friendly fait écho à un précédent spectacle, Parce que c’était lui, parce que c’était moi. Racontez-nous la genèse de ce nouveau projet.
Guillaume Clayssen : Pour ce premier duo, je m’étais inspiré de l’amitié entre deux interprètes d’une pièce de 2018, Jeunesse, présentée à SPRING. Or ce duo n’a pu être rejoué, d’une part à cause du Covid, et d’autre part parce qu’il était devenu presque trop intime pour les deux artistes. J’avais mal vécu son abandon et j’ai voulu rebondir. Parallèlement j’animais un atelier philo, en région parisienne, avec un public de trois générations différentes sur le thème de l’amitié. La seule question qui gênait tout le monde, c’est l’amitié entre les sexes. C’était visiblement impudique, tabou. J’ai dressé une liste de tous les mythes existants : tous concernent des couples classiques mais aucun n’aborde ce thème de l’amitié entre les genres. Notre imaginaire est pétri de mythes uniquement amoureux.

Vous citez Aristote qui affirmait “qu’il n’y a pas d’amitié s’il n’y a pas d’égalité”.
GC : L’histoire de l’amitié homme-femme est en effet très liée à celle de l’égalité, ou plutôt de l’inégalité. Or je pense que les hommes ne peuvent progresser que s’ils se lient d’amitié avec les femmes et cessent de les considérer comme des proies. Leur relation amicale n’est possible qu’avec l’émancipation des femmes. Friendly est né ainsi d’un étonnement anthropologique dont je vais faire un spectacle de cirque. Je souhaite que le public entreprenne le même parcours que moi et qu’il soit, dans un premier temps, étonné. L’amitié hétérosexuelle est une question, bien plus qu’une réponse. À ce jour, Friendly se divise en deux parties. La première pourrait être un montage sonore tiré d’une dizaine d’interviews que je mènerai dans toutes les catégories et âges de la société.

Ce montage “poético-sociologique”, rythmique et musical, fera vivre des corps acrobatiques au plateau. Comment décrirez-vous ce que vous nommez “le mythe manquant de l’humanité” ?
GC : Nous partons en effet sans aucun terreau imaginaire, sans mythologie et même sans illustration possible. Dès que notre cerveau voit un homme et une femme, il imagine une histoire d’amour. Je vais devoir inventer une écriture circassienne et théâtrale qui devient une partition chorégraphique pour deux acrobates, venus de l’Académie Fratellini, et une actrice, très drôle, qui fera le lien entre eux et avec le public. J’ai choisi le cirque, pour Friendly, parce que le contact physique y est un passage obligé. Il permet des mouvements improbables et sans ambiguïté. Dans la seconde partie, nous écrirons ensemble ce mythe manquant fille-garçon. J’ai convié pour cela un auteur, Thierry Simon, qui devra écrire …pour des acrobates ! Ils seront les personnages de ce mythe inédit.