La Brèche

L’Envers de nos décors est un spectacle jeune public. Dites-nous ce qui vous a amené à créer pour la première fois pour cette catégorie d’âge.
Clément Dazin : Tout est parti d’une demande de Jean-François Munier, directeur du théâtre de l’Étoile du Nord, à Paris. Il me sollicitait depuis longtemps pour des rencontres un peu improbables. L’enjeu était de créer un duo mêlant la pratique chorégraphique et/ou circassienne et l’écriture, dans le cadre de son festival Concordan(s)e. Il m’a proposé de choisir un auteur parmi trois noms de l’illustration jeunesse et c’est ainsi que j’ai découvert l’univers de Thomas Scotto. J’ai été charmé par son écriture, son univers, et par le fait qu’il parte de situations concrètes glissant délicatement vers un univers abstrait et poétique. Cette manière d’écrire a une résonance avec le cirque. Thomas a accepté de travailler avec moi et nous nous sommes donc rencontrés tous les trois, en juin 2021.

Une fois le duo formé, restait à écrire un spectacle. Quelles pistes sont apparues lors de cette rencontre ?
CD : Nous devions respecter le critère du format. Les duos de Concordan(s)e doivent pouvoir être joués partout, même dans des lieux très peu équipés, comme des classes ou des bibliothèques. Il s’agit donc de formes très légères. Notre première rencontre à deux a duré trois jours et nous avons d’abord travaillé à la table pour apprendre à nous connaître. Bien sûr, Thomas n’est pas acrobate ou comédien mais je pense qu’il est très à l’aise sur scène grâce notamment aux lectures qu’il anime. Je devine donc qu’il n’aura pas de freins à s’exprimer avec son corps. Très vite est apparu le besoin de parler de l’Autre. L’Autre qui nous définit, qui nous fait exister et qui peut même voir des parties invisibles de nous, comme la nuque. Cela questionne nos parts d’ombre, l’envers de nos décors.
L’Autre nous révèle à nous-mêmes. Il nous permet finalement d’être heureux ?
CD : Être heureux, c’est être soi-même. La question est complexe et je trouve intéressant de l’aborder dans un spectacle. Nous évoquerons aussi les changements de corps et la place qu’occupe chacun au sein d’un groupe, sujets très parlants pour des pré-adolescents, par exemple à l’arrivée du petit dernier dans la famille. Le corps change tout au long de la vie et je me réfère souvent au Journal d’un corps, de Daniel Pennac. Thomas Scotto connaît mieux le jeune public que moi ; je me sens ainsi moins seul pour aborder cet océan inconnu. Le jonglage ne sera peut-être pas présent ici, mais il y aura sans doute des objets. J’en apporterai probablement à La Brèche ; nous verrons comment les utiliser. Chacun de nous deux devra sortir de sa zone de confort, se mettre dans la peau de l’autre au sein d’une écriture simple, épurée, efficace.