La Brèche

C’est la première fois, avec ce projet Entre deux mondes, que vous ne serez pas sur le plateau. Comment est née cette nouvelle aventure ?
Damien Droin : Dans Open cage, j’étais partout, au point de me casser les deux tendons d’Achille…J’ai donc appris à ne plus vouloir en faire trop. J’avais de toute façon très envie de transmettre tout ce que j’ai pu découvrir autour du trampoline que j’ai conçu, l’Acronet. Pour ce  projet comme pour les précédents, tout est parti d’une intuition et… du titre, que j’avais déjà en tête. J’avais aussi le souhait de créer un univers réunissant la mythologie grecque et une chanteuse lyrique, qui serait à la fois la narratrice et l’une des protagonistes de la pièce. J’ai assez vite imaginé une scénographie épurée lors de nos premiers laboratoires, dont un à La Brèche en 2019. C’est d’ailleurs ici que pour la première fois, nous avons suspendu la toile de l’Acronet et apprécié son inertie, presque stellaire.

Parlez-nous de cet agrès incroyable qu’est l’Acronet…
DD : C’est un trampoline d’un nouveau genre que j’ai conçu lorsque j’étais étudiant au Centre National des Arts du Cirque. C’est un espace qui mute d’océan agité à montagne abrupte, de bateau flottant à abri. Transparente ou opaque selon la lumière, la toile devient parfois une surface de projection, parfois un plafond de verre qui écrase les personnages ou leur donne plus de liberté. Je travaille aussi sur la destinée et les liens. Liens qui seront réels puisque nous utilisons des élastiques évoquant ce qui nous retient et nous empêche de tomber. Avec l’Acronet, mon travail personnel se situe à la frontière entre la danse et la voltige. Venant du trampoline, j’ai mis du temps à désapprendre la posture d’un corps de gymnaste puissant. La danse m’a apporté une autre pesanteur : je cherche encore à faire en sorte que chaque mouvement ait un sens.

Entre deux mondes est une histoire de séparation, celle de Gaïa et Ouranos qui donnent naissance respectivement à la Terre et au Ciel. Pourquoi cette référence à la mythologie ?
DD : Je me suis questionné sur qu’est-ce que serait Gaïa aujourd’hui, quel serait son ancrage dans le présent. J’ai par ailleurs envie de revenir au texte en travaillant par exemple sur des poèmes grecs. Il faut trouver la place du chant et de la voix, et pas seulement celle de la narratrice. Pour ce projet j’ai beaucoup pensé au film Cloud Atlas, où l’on suit des personnages dans diverses incarnations à travers les époques. J’aimerais retrouver cette petite humanité (deux hommes et trois femmes) et la voir évoluer dans le temps avec des enjeux cycliques, et des rôles parfois inversés.  Je pratique une écriture intuitive au plateau, avec beaucoup d’improvisations selon la personnalité des artistes. À La Brèche, ce sera le moment de travailler la lumière et les transitions des scènes.