La Brèche

Ce spectacle est le troisième volet de ce que vous nommez “une trilogie sur l’émerveillement et l’imaginaire”. Qu’allez-vous aborder cette fois ?
Quintijn Ketels, Aline Breucker : Dès le début, nous avons su qu’il s’agirait d’une trilogie, pour ancrer notre pratique dans le temps et définir l’identité de la compagnie Side Show. Avec Wonders, en 2013, nous dépeignions notre propre univers, celui d’un acrobate et d’une scénographe qui travaillent ensemble depuis longtemps, et commencent à construire une vie de famille. Ce premier volet a vu le jour en même temps que notre premier enfant. Nous étions dans la découverte, peut-être un peu naïfs. Dans Spiegel im Spiegel, en 2017, nous utilisions un immense miroir, objet fortement symbolique qui reflétait d’où nous venions, et vers où nous allions. Ce spectacle était moins léger, plus dans l’introspection. En commençant à imaginer ce troisième volet en 2019, Permit, oh permit to my soul to rebel (Permet à mon âme de se rebeller ), nous avions envie d’une grande proximité avec le public, et le désir d’aller plus loin encore dans l’imaginaire.

Comment allez-vous matérialiser ce rapprochement avec les spectateurs ?
QJ, AB : Le but est de créer une machine à rêves collective. D’abandonner une mise en scène frontale pour façonner une forme scénique sans distinction entre la scène et les spectateurs. Nous avons commencé à écrire ce spectacle en 2019 puis la crise sanitaire est arrivée. Mais la perte totale de contact avec le public fait encore plus sens ici, et nous motive d’autant plus. Ce spectacle est aussi inspiré de notre vécu avec notre fils, autiste, qui souffre d’une forme complexe du syndrome de Gilles de la Tourette et de nombreux troubles associés. C’est compliqué pour lui d’accepter de nous voir travailler, ou tout simplement d’aller au théâtre. Or, comment créer une machine à rêves collective si même notre enfant ne peut assister à notre spectacle ? Pour ce faire, nous nous inspirons du concept de relaxed performance.

Dites-nous en plus sur ce concept de “relaxed performance” qui vient d’Angleterre !
QJ, AB : Il s’agit d’adapter un spectacle pour en favoriser l’accès aux personnes neuro-atypiques qui ont besoin d’un environnement le plus détendu possible. Il faut repenser la lumière qui ne doit jamais être complètement éteinte, veiller à ce que le son ne soit pas trop fort, à laisser les portes ouvertes, à permettre à ces personnes de pouvoir se déplacer, de s’exprimer… Casser les codes du spectacle vivant ouvre notre imaginaire à tous. Le plateau sera couvert d’une centaine de coussins afin de créer une atmosphère douce, rassurante, confortable. Pour la première fois nous ne serons pas sur scène. Quatre ou cinq acrobates pratiqueront la banquine. Ils porteront des costumes de félins, réalisés en partie par des amateurs lors d’ateliers participatifs, toujours dans un souci de proximité. La résidence à La Brèche sera l’occasion de travailler la physicalité de nos félins, énigmatiques et rebelles.