La Brèche

Au jour de cette interview, vous n’avez rencontré qu’une seule fois la promotion du CNAC que vous allez mettre en scène. Quelles sont vos premières impressions ?
Séverine Chavrier :  Je l’ai en effet rencontrée en mars 2021 pendant trois heures et sans agrès. Nous nous sommes tous présentés et cela a vite glissé vers quelques scènes. Comme j’aime travailler avec le son, j’avais apporté quelques petites choses. J’ai foi dans les artistes de cirque. J’ai foi dans leurs compétences et dans leur rapport au mouvement. Il y a des choses magnifiques à faire ensemble. Ce qui me plaît aussi dans cette promotion, c’est que les nationalités sont très diverses, les langues également ; et puis elle est majoritairement féminine. Il se trouve que j’ai déjà travaillé avec cinq circassiennes, en 2015, et j’ai aimé exploiter la capacité de leurs corps à jouer avec les clichés sur le féminin et le masculin, sur le pouvoir… et à détourner ces clichés par la suite !

Savez-vous déjà quels thèmes vous aimeriez aborder avec ces quinze jeunes ?
SC : J’avais envie de travailler sur l’idée de la fête et de la dépense. La fête nous a été interdite pendant plusieurs mois à cause de la crise sanitaire. Je souhaite interroger le corps des circassiens hors travail, eux qui sont très fusionnels, solidaires, libres et sensuels. Quelle fête serait la plus juste ? Un mariage ? Un rêve ? Quant au thème de la dépense, il concerne autant la rareté des choses gratuites, dans nos vies, que la dépense d’énergie, l’oubli de soi dans la fête, le contact avec l’autre ou les paysages artificiels… Le défi, c’est d’intégrer les numéros d’agrès de chacun, même si ce spectacle de fin d’études a toujours une ambition de choralité. Je vais bien sûr assister aux “Échappées”, à Châlons-en-Champagne, qui est la présentation de leur projet artistique individuel, et m’en inspirer pour la création du spectacle de fin d’études.

Votre résidence à La Brèche accueillera vos premières expérimentations, tous ensemble. Quelles pistes comptez-vous développer ?
SC : La vidéo, le son et la question du circulaire. Comme dans un précédent spectacle avec des adolescents, j’aimerais travailler avec des iPhone ou des GoPro, fixés sur des axes insolites pour capter le point de vue subjectif du circassien pendant ses figures. J’envisage aussi de faire sonner les agrès, exploiter les divers outils du son et peut-être faire jouer ceux qui maîtrisent un instrument. J’utiliserai certainement aussi des sons enregistrés sur un piano préparé, très propices à la scène. La question du circulaire, nouvelle pour moi, est un défi. J’aimerais rendre moins étanche la barrière entre cirque et danse. Je me ferai aider pour cela par Maria Carolina Viera, de la compagnie Peeping Tom, et d’un assistant en cirque. Dans ce genre de projets, on apprend plus qu’on ne transmet…