La Brèche

Votre binôme avec Haïla Hessou est l’un des deux premiers à avoir bénéficié du dispositif « Auteurs en tandem ». Que vous a-t-il apporté ?
Coline Garcia : C’est une proposition qui est tombée au bon moment. J’ai toujours travaillé avec du texte mais pour le sujet de Boîte noire - la sexualité vue sous le prisme de la domination masculine -, les mots et leur signification me semblaient si importants que je souhaitais prendre appui sur une personne dont c’est le métier. Le dispositif m’a permis de collaborer avec une dramaturge et de partager une réflexion sur nos disciplines respectives, et nos a priori. Je cherche toujours, dans mon écriture circassienne, à déplacer la performance, trop souvent synonyme de virilité. J’envie beaucoup au théâtre la revendication et le manifeste. Avec Haïla, j’ai accepté de repartir à zéro. Nous avons retenu l’idée d’une docu-fiction qui mêle le texte au ressenti des artistes sur le plateau.

Comme pour vos précédentes créations, Boîte noire est très ancrée dans la réalité. De quelle matière partez-vous ?
CG : Nous avons mené des ateliers avec des adolescents et nous avons collecté leurs paroles. L’aspect fictionnel du projet permettra de digérer tout ce qui est dit, de prendre de la distance, de réinterpréter les propos et de les transmettre au plateau pour en faire quelque chose d’universel. Depuis longtemps le théatre s’empare de thèmes de société, alors que le cirque semble plus frileux pour questionner le monde. La question de la sexualité et ses représentations est un sujet très intéressant à traiter en cirque contemporain. Ici nous partons de témoignages d’adolescents et nous avons retenu cinq thèmes : les premières fois, la pénétration, la pornographie, le consentement et l’image de soi. Enfin, nous avons choisi de resserrer notre propos uniquement sur l’hétérosexualité.

Et comment toute cette matière va-t-elle prendre forme avec les artistes au plateau ?
CG : Le spectacle commence par un crash. S’ensuivent des interrogations sur nos premières fois pour déconstruire ce qui ne fonctionne pas, et briser le cycle de violence qui nous touche toutes. Nous nous sommes appuyées sur des figures d’animaux mythologiques et sur le conte. Cela permet d’aborder les thèmes avec plus de légèreté ; nous ne voulons surtout pas heurter le public. Nous laissons au contraire les portes entrouvertes pour que chacun puisse y réfléchir après coup. Les premières fois sont trop souvent synonymes de violence. D’où les revendications exprimées pour que cela cesse, via un manifeste, et un remède : la sororité. L’humour n’est pas absent et l’ambiance générale sera celle des séries qu’aiment les ados, très colorées, mode des 90′ et maquillages accentués.