La Brèche

Avec Faustine Noguès, vous avez été l’un des deux premiers duos à expérimenter le dispositif « Auteurs en tandem ». Qu’en avez-vous pensé ?
Rafael de Paula: Cela a entièrement comblé mes attentes ! C’était précisément ce à quoi j’aspirais quand j’ai postulé : m’approcher d’une écriture dramaturgique théâtrale, et faire l’expérience du texte et de la parole dans mon propre travail. Mais ces deux mondes, celui du cirque et celui du théâtre, se côtoient rarement et je connais peu d’écrivains et d’écrivaines. Alors quand j’ai vu passer cet appel à projet, j’ai vite appelé La Brèche. J’ai tout de suite vu dans ce dispositif l’opportunité de rencontrer un auteur ou une autrice. Parmi les noms proposés, j’ai pensé que Faustine Noguès était celle qui s’approchait le plus de ma démarche. Nous nous sommes rencontrés et au fil des résidences, notre « tandem » s’avérait bien fonctionner. Je lui ai donc proposé de travailler sur la création de Mariana Paradise.

Mariana Paradise est un projet auquel vous pensez depuis plusieurs années. Quel est son propos ?
RDP : Au départ je voulais évoquer la nature, les changements climatiques et notre rapport au vivant. Tout cela sans volonté poétique, militante ou pédagogique, mais plutôt dans un rapport sensible avec ce monde en crise, via une remise en question. En 2015, une coulée de boue meurtrière a déferlé sur Mariana, au Brésil, d’où je viens. Ce fut pour moi, et bien sûr pour ses habitants, comme une petite fin du monde. J’avais envie de dire comment on peut se reconstruire après une telle tragédie. Mes recherches m’ont amené à me pencher aussi sur le drame de Paradise, une ville californienne détruite par des incendies en 2018. Dans les deux cas, la responsabilité est humaine, j’y vois ici le reflet de l’impact de nos activités sur l’environnement. Avec Faustine, nous observons comment on survit à ça.

Vous vous inspirez donc d’une thématique lourde. Qu’en sera-t-il au plateau ?
RDP : C’est juste une inspiration. Mariana Paradise sera emprunt d’humour noir, ce qui permettra de mettre de la distance entre la gravité du sujet et la manière dont il est abordé au plateau. Plusieurs disciplines artistiques sont convoquées : corps circassien, dramaturgie, chorégraphie, marionnettes, écriture cinématographique, installations plastiques et de la musique avec le guitariste Butch McKoy. Nous écrirons un premier jet du scénario à La Brèche : ce sera notre base de travail. Je ne serai pas au plateau cette fois-ci, mais mettrai en scène cinq circassiens. Je m’écarte un peu d’une écriture centrée sur le mât chinois pour me concentrer sur une recherche autour de la dramaturgie du corps circassien. Porte, table… ici c’est toute la scénographie qui devient agrès.