Le site du Rozel a été régulièrement été occupé par l’Homme de Néandertal, il y 80 000 ans. De leur passage subsistent des vestiges (os, charbons, silex, foyers, restes osseux de carcasses animales…) mais aussi les empreintes de ces Hommes, 2 900 au total. À l’échelle mondiale, seulement une dizaine d’empreintes de Néandertal ont été relevées…
Subjugués par ces découvertes et inspirés par la notion de trace, Olivier Meyrou et Matias Pilet ont décidé de se lancer dans la création d’un nouveau spectacle, Huellas. Accompagnés par Bonnie Colin à la scénographie et Fernando Gonzalez Bahamondez à l’acrobatie, ils proposent un duo acrobatique avec, en filigrane, la rencontre entre le Néandertalien et l’Homo Sapiens ! Évoluant sur un sol argileux, Matias Pilet et Fernando Gonzalez Bahamondez explorent tout le potentiel humoristique de la rencontre entre ces deux humanités aux physiques, corporalités et acrobaties différentes.
Votre prochain spectacle, Huellas (traces, en espagnol), a pour but premier de mettre en lumière les fouilles archéologiques du site du Rozel dans La Manche.
Matias Pilet : En 2021, la découverte de ce site où les archéologues ont trouvé 90 % des traces de Néandertal attestées dans le monde nous a procuré une grande émotion. Les recherches de l’équipe de Dominique Cliquet (conservateur du patrimoine et archéologue à la Direction Régionale des Affaires Culturelles de Normandie) sur les traces de mouvement de nos ancêtres sur ce sol ont déclenché chez nous des envies de jeu, d’acrobaties. La visite de l’atelier de la plasticienne Bonnie Colin a été décisive : j’ai mis les mains dans de la terre de potier ; j’ai ressenti une émotion et Olivier a eu l’idée d’en faire un sol de 7 m par 7. Lors de notre première résidence à La Brèche, les archéologues du site sont venus nous rendre visite. Ils ont trouvé riches d’enseignements les empreintes que Fernando, mon partenaire de jeu, et moi avions laissées sur ce sol. Tout est histoire d’interprétation. Là où ils auraient pu interpréter une trace comme étant celle d’un enfant, ils se sont aperçus qu’il s’agissait bien de traces laissées par des adultes. Néandertal était probablement beaucoup plus physique que le Sapiens. Ses mouvements étaient sans doute plus larges, plus proches de ceux de l’acrobate.
Depuis, l’une de vos résidences s’est déroulée en Patagonie chilienne, lors du festival Cielos del infinito. Comment le projet Huellas a-t-il évolué là-bas ?
Olivier Meyrou : Le festival qui co-produit Huellas avec La Brèche nous a montré des espaces où travailler et nous avons visité le Museum d’Histoire naturelle de Rio Seco, à Punta Arenas. Quand
nous avons vu leur salle en bois – 70 mètres de long et un squelette de baleine adulte en suspension – nous nous sommes adaptés à ce lieu incroyable. Autour de l’espace en argile, Bonnie a conçu une
scénographie avec des bâches et une mer d’algues faite de sacs poubelle. Nous avons invité la chanteuse Karen Wenvl avec qui nous avions déjà travaillé. Karen, qui est Mapuche, nous a appris que dans sa culture, c’est la baleine qui accompagne les âmes des morts sur le chemin de la réincarnation. Son chant fera partie de la bande-son du spectacle. A chaque étape, nous glanons des éléments. La matière artistique que nous avons récoltée au Chili enrichira la performance que l’on présentera en juin pendant les Journées Européennes de l’Archéologie sur la plage du Rozel, en contre-bas
du chantier archéologique.
Comme dans tous vos spectacles, la médiation culturelle et artistique est l’une de vos priorités. Qu’avez-vous pu mettre en place pour Huellas ?
Matias Pilet : À Cherbourg, nous avons développé un projet acrobatie et arts plastiques sur le thème de l’empreinte avec les élèves de deux classes de 6e et de la classe ULIS du collège Le Ferronay.
Les élèves ont exploré avec Fernando et moi le vocabulaire acrobatique du spectacle. Ils ont aussi rencontré l’archéologue. Accompagnés par l’équipe pédagogique du collège, l’équipe de La Brèche, Bonnie et Florent Dubois (enseignant céramique à l’École Supérieure d’Arts & Médias de Caen/Cherbourg), ils ont créé 200 empreintes sur des plaques de terre sur le thème de la trace, qu’ils laisseront à leur tour dans le futur. On espère que toutes ces empreintes seront ensuite installées de manière pérenne sur un mur du collège. En juin, nous nous adresserons à des plus petits puisque
nous interviendrons à l’école maternelle-primaire de Surtainville, près de Cherbourg.