La Brèche

Si ce nouveau projet s’inscrit dans la trajectoire des précédents spectacles de la compagnie, il présente aussi quelques nouveautés. Lesquelles ?
Alexandre Fray : Jusqu’ici nous avons toujours travaillé autour de portés acrobatiques, et donc avec des êtres humains. En adéquation avec l’évolution de la planète, nous avons réalisé que notre propos était peut-être trop anthropocentré et qu’il fallait y introduire l’objet. J’aimerais rendre visible le lien entre l’objet, l’environnement et les sciences physiques en général. Notre univers acrobatique est constitué de pressions, de diagonales, de tractions, d’inertie ou de force centrifuge qui régissent tous nos mouvements, de la roulade à des choses plus complexes. Je souhaite montrer ici que nous dépendons souvent d’autre chose que de nous-mêmes. L’acrobate croit souvent qu’il lui appartient de décider de son sort. Or dans sa confrontation au réel, il dépend de forces extérieures.

Outre l’arrivée des objets au plateau, vous faites aussi la part belle à la bande dessinée. Pourquoi ?
AF : Le titre du spectacle, Dans l’espace, est emprunté à un album de bande dessinée qui ne me quitte jamais, le roman graphique de Fabio Viscogliosi (Seuil, 2001). J’aime ses deux personnages à corps d’hommes et à têtes d’animaux qui dépendent toujours l’un de l’autre. J’établis un parallèle entre la BD et le cirque. Souvent associés uniquement à l’enfance, ces deux arts se destinent aujourd’hui avec bonheur aux adultes. Pourtant à la croisée de la création artistique et de l’adresse tout public, il leur manque à tous deux des lettres de noblesse. Ce que j’apprécie dans la BD, c’est l’ambiance graphique avec son esthétique et ses couleurs – que j’aimerais apporter sous chapiteau -, et le découpage en cases du scénario. Le cadrage crée de l’attention sur une main, sur un geste, … Ce que je cherche, c’est donner un sens de lecture, une lisibilité.

Dernière nouveauté, la musique live. Pourquoi avoir convié des musiciens au plateau ?
AF : Cette idée est née du constat que dans un spectacle de cirque, surtout en circulaire, ce sont les acrobates qui « font » et le public qui « voit ». On a réfléchi à comment être dans l’action, et non plus dans la représentation. Nous avons toujours travaillé avec de la musique enregistrée mais sans jamais la suivre réellement, c’est impossible. Convier des musiciens en live renforce le principe même de spectacle vivant. Dans ma scénographie, Joris Pesquer et Enguerran Wimez du duo Dalès créeront un paysage sonore très vibratoire. On en revient à la physique avec les notions de flux, d’oscillations et de sinusoïde. Leur son, issu du rock progressif, est magnétique, ondulatoire. Il colle parfaitement aux mouvements que j’ai imaginés. C’est à La Brèche que nous donnerons corps à toutes ces idées nouvelles.